LA FOI ET LA VIE


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CE QU'EST LA FOI

     « Par la foi, aujourd'hui, il n'est pas entendu, autre chose que la pensée qu'une chose est ainsi parce que c'est ce qu'enseigne l'Église, et parce que ce n'est pas évident à l'entendement. On dit, en effet, communément : « Croyez, et ne doutez point. » Si vous répondez : « je ne comprends pas cela », on vous dit que c'est précisément pour cette raison que vous devez croire. Il s'en suit que la foi d'aujourd'hui est une foi dans l'inconnu, et peut être appelée une foi aveugle.

     La vraie foi, n'est rien d'autre que la reconnaissance qu'une chose est ainsi, parce que cela est vrai. En effet, celui qui est dans la vraie foi pense ainsi : « Cela est vrai ; c'est pourquoi je le crois. » Car la foi dans son essence est la vérité ; et la vérité est l'objet de la foi. Celui qui est dans la vraie foi dira, aussi, s'il ne voit pas qu'une chose est vraie : « je ne sais si cela est vrai ; de sorte que je ne le crois pas encore. Comment puis-je croire ce que je ne saisis pas par l'entendement ! Il se petit que ce soit faux.

     Cependant, on dit couramment que personne ne peut comprendre les choses spirituelles ou théologiques, parce qu'elles sont surnaturelles. Toutefois, les vérités spirituelles peuvent être comprises tout aussi bien que les vérités naturelles ; et quand même la compréhension ne serait pas claire, toujours est-il que lorsqu'on les, entend énoncer, celui qui écoute peut discerner si elles sont vraies ou non. Il m'a été accordé de savoir cela par de nombreuses expériences. Je me suis entretenu avec des ignorants, des gens lourds d'esprit et même stupides, aussi bien qu'avec quelques-uns qui étaient imprégnés d'idées fausses, et avec d'autres qui étaient plongés dans des maux, et qui pourtant étaient nés dans l'Église, et avaient appris quelquechose au sujet du Seigneur, de la foi et de la charité ; et il me fut accordé, de leur parler d'arcanes de la sagesse ; et ils les comprenaient tous, et les reconnaissaient ; mais ils étaient dans cette lumière de l'entendement, que tout homme possède, et en même temps dans le faste de leur propre intelligence. Plusieurs personnes présentées furent convaincues par ces expériences, que les vérités spirituelles peuvent être comprises aussi bien que les vérités naturelles, quand on les entend énoncer ou qu'on les lit ; mais qu'elles sont comprises avec une plus ou moins grande difficulté par l'homme lorsqu'il pense ensuite d'après lui-même. La raison pour laquelle les vérités spirituelles peuvent être comprises est, que l'homme peut être élevé, quant à son entendement dans la lumière du ciel, dans laquelle seules les Vérités spirituelles, qui sont les vérités de la foi apparaissent car la lumière du ciel est la lumière spirituelle.

     « Il s'en suit donc, que ceux qui sont dans l'affection spirituelle de la vérité la reconnaissent intérieurement. Comme les anges sont dans cette affection, ils rejettent complètement le dogme selon lequel l'entendement doit être assujetti à la foi ; car, disent-ils : « Qu'est-ce que croire une chose lorsqu'on ne voit pas qu'elle est vraie ? » Et si quelqu'un dit qu'on doit néanmoins croire, ils répondent : « Penses-tu que je sois assez fou pour croire une affirmation où je ne vois aucune vérité ? Si elle est vraie, montre-le moi ! » Sur quoi le dogmatisant se retire. La sagesse angélique consiste uniquement en ceci, qu'ils voient et comprennent ce qu'ils pensent.

     Il y a une idée spirituelle qui influe chez ceux qui sont dans l'affection de la vérité, et dicte intérieurement que ce qu'ils entendent ou lisent est vrai ou ne l'est pas. Dans cette idée sont ceux qui sont éclairés par le Seigneur lorsqu'ils lisent la Parole. Être éclairé, ce n'est pas autre chose qu'avoir une perception, et par conséquent une reconnaissance intérieure, que telle ou telle chose est vraie. Ceux qui sont ainsi éclairés sont dits être « enseignés par le Seigneur » (Esaïe, LIV. 13, Jean VI. 45) ; et c'est d'eux qu'il est dit :

     Voici les jours viennent, dit le Seigneur, où je traiterai une alliance nouvelle avec la maison d'Israël et avec la maison de JudasÖ Voici l'alliance : Je mettrai ma loi au-dedans d'eux, et je l'écrirai dans leur coeur ; et je serai leur Dieu, et ils seront mon peuple. Chacun d'eux n'enseignera plus son prochain, ni chacun son frère, en disant : Connaissez le Seigneur ! Car ils me connaîtront tous, depuis le plus petit d'entre eux jusqu'au plus grand, dit le Seigneur. - Jér., XXXI., 31, 13, 34.

     D'après ces considérations il est manifeste que la foi et la vérité font un. C'est aussi la raison pour laquelle les Anciens, qui pensaient aux vérités d'après l'affection bien plus que les hommes de notre époque, ne parlaient pas de la foi mais de la vérité. Et c'est pour la même raison que, dans la langue hébraïque, la vérité et la foi sont exprimées par le même terme, à savoir, Amuna ou Amen.

     J'ai choisi la voie de la vérité (amuna). - Ps., CXIX, 30.
Le juste vivra par la foi (amuna). - Hab., II, 4.

     Le Seigneur dit à Thomas : « Parce que tu m'as vu, Thomas, tu as cru. Heureux ceux qui n'ont pas vu et qui ont cru ! » (Jean XX. 29) ; par quoi il est entendu, non pas une foi séparée d'une reconnaissance interne de la vérité, mais que ceux-là sont bénis qui ne voient pas le Seigneur de leurs yeux, comme Thomas et néanmoins croient en Lui, car cela apparaît clairement dans la lumière de la vérité de la Parole.

     Puisque la reconnaissance interne de la vérité est la foi, et que la foi et la vérité sont un, il s'en suit qu'une reconnaissance externe sans une reconnaissance interne, n'est pas la foi. Une reconnaissance externe sans une reconnaissance interne est une foi dans l'inconnu ; et une foi dans ce qui est inconnu n'est qu'une chose de la mémoire, qui devient une persuasion lorsqu'elle est confirmée. Ceux qui sont dans une telle foi et dans une telle persuasion, croient qu'une chose est vraie parce qu'un autre l'a dit ; et cependant une fausseté peut être confirmée aussi facilement qu'une vérité, et parfois encore davantage.

     Si quelqu'un pense en lui-même, ou dit à un autre : « Qui peut avoir cette reconnaissance interne de la vérité, qu'on appelle la foi ? Pour ma part, je ne le puis » : je lui enseignerai comment il y parviendra : Fuis les maux comme péchés, et adresse-toi au Seigneur, et tu auras autant de foi que tu le désires. Car celui qui fuit les maux comme péchés est dans le Seigneur ; et il aime la vérité et la voit ; et il a la foi. » - Doctrine de la Foi, I - 6, 10-12.
 
 

LA PROGRESSION DE LA FOI

     « Il a été dit ci-dessus ce que c'est que la foi ; il sera maintenant dit ce que c'est que la charité. La charité, dans sa première origine, est l'affection du bien. Or comme le bien aime le vrai, l'affection du bien produit l'affection du vrai ; et par l'affection du vrai, la reconnaissance du vrai, qui est la foi.

     L'homme, dès sa tendre enfance, a l'affection de savoir. Par elle il apprend beaucoup de choses qui lui seront par la suite utiles, et beaucoup d'autres qui ne lui seront d'aucune utilité. En s'appliquant plus tard à quelque métier, il apprend les détails qui se rapportent à cette occupation : celle-ci devient alors son usage, dont il est affecté. Ainsi l'affection de l'usage forme Ir commencement et produit l'affection des moyens par lesquels il devient compétent dans son travail, lequel constitue son usage. Cette progression a lieu chez toute personne dans le monde ; parce que chacun a une occupation quelconque, dans laquelle il procède de l'usage qu'il a en vue, par les moyens nécessaires, à l'usage lui-même, qui est l'effet. Toutefois, comme cet usage, de même que les moyens de l'atteindre, est pour la vie dans le monde, l'affection qui l'a produit est une affection naturelle.

     « Mais puisque tout homme doit considérer non seulement les usages qui lui permettront de vivre dans le monde, mais ceux qui le rendront apte à la vie dans le ciel (puisqu'il doit entrer dans l'autre vie après sa vie dans le monde, et y vivre éternellement), chacun acquiert dès son enfance des connaissances du vrai et du bien d'après la Parole, ou d'après la doctrine de l'Église, ou encore d'après les prédications, car ces connaissances ont pour but de conduire à la vie du ciel. Elles sont déposées dans sa mémoire naturelle, en plus ou moins grande abondance, selon l'affection naturelle de savoir et selon que cette affection est stimulée par diverses causes.

     « Toutefois, la totalité de ces connaissances, quelles qu'en soient la quantité et la qualité, ne constitue qu'un amas de matériaux qui peuvent servir pour la formation de la foi de la charité. Or, cette foi n'est formée que dans la mesure où l'homme fuit les maux comme péchés. S'il fuit les maux comme péchés, alors ces connaissances deviennent les connaissances d'une foi dans laquelle il y a la vie spirituelle ; mais s'il ne fuit pas les maux comme péchés, ces connaissances ne sont que de simples connaissances, et ne deviennent pas les connaissances d'une foi vivante, ou d'une foi qui ait un degré quelconque de vie spirituelle.

     « Cependant, cette provision de connaissances sur la vie du ciel est absolument nécessaire, parce que sans elles la foi ne peut être formée. Car les connaissances du vrai et du bien entrent dans la foi et la constituent. Si elles font défaut, la foi ne peut commencer d'exister, puisqu'une foi complètement vide n'a point d'existence. Si les connaissances sont en petit nombre, une foi insuffisante et débile est formée. Si elles sont en grand nombre, la foi qui peut en être formée est riche et vigoureuse en proportion de leur abondance.

     « Mais ou doit se rappeler que les connaissances qui servent à la formation de la foi, sont les connaissances du vrai réel et du bien réel, et nullement les connaissances du vrai falsifié. Car la foi est essentiellement la vérité ; or ce qui est faux, étant diamétralement opposé à la vérité, détruit la foi. »

     « Il y a aussi un grand nombre de gens qui n'ont point une reconnaissance interne dès vérités de la foi et qui néanmoins ont la foi de la charité. Ce sont ceux qui dans leur vie ont eu égard au Seigneur, et ont évité les maux d'après leur religion ; mais ils ont été empêchés de penser aux vérités de la foi par les soucis et leur travail dans le monde, aussi en raison du manque de vérités chez ceux qui les instruisaient. Toujours est-il qu'intérieurement ils sont dans la reconnaissance de la vérité parce qu'ils sont affectés par elle ; c'est pourquoi, après la mort, lorsqu'ils deviennent des esprits, et sont instruits par les anges ils reconnaissent aussitôt les vérités. Mais il en est tout autrement chez ceux qui dans leur vie n'ont pas eu égard au Seigneur et n'ont point évité les maux d'après leur religion. Ceux-ci ne sont intérieurement dans aucune affection de la vérité, et en conséquence ils ne sont dans aucune reconnaissance de la vérité ; c'est pourquoi, après la mort, lorsqu'ils deviennent des esprits et sont instruits par les anges, ils ne reçoivent pas les vérités de la foi parce qu'ils ne veulent pas les reconnaître. Car le mal de la vie a en aversion les vérités spirituelles ; mais le bien de la vie aime ultérieurement ces vérités.

     Ces connaissances du vrai et du bien qui précèdent la foi, paraissent à certaines personnes être des choses de la foi ; et cependant elles ne le sont pas. Penser et dire que l'on croit n'est pas une preuve que l'on croit vraiment. Le fait est que ces connaissances n'appartiennent pas à la foi ; car elles consistent seulement dans la pensée qu'une chose est ainsi, mais non pas dans une reconnaissance interne que ce sont des vérités ; or le seul fait de croire que ce sont des vérités, alors qu'on ne sait pas qu'elles le sont, est une sorte de persuasion très éloignée de la reconnaissance interne. Mais dès que la charité est implantée, ces connaissances deviennent des choses de la foi. Dans le premier état, avant que la charité soit perçue, la foi paraît être dans la première place, et la charité dans la seconde ; mais dans le deuxième état, lorsque la charité est perçue, la foi occupe la seconde place et la charité la première. Le premier état est celui de la réformation ; le second état celui de la régénération. Lorsqu'un homme est dans ce second état, la sagesse s'accroît en lui chaque jour, et le bien multiplie chaque jour les vrais et les fait fructifier. L'homme est alors comme un arbre qui porte ses fruits, et dépose dans ces fruits des semences, qui produiront de nouveaux arbres, et enfin un jardin. Alors il devient vraiment un homme, et après la mort, un ange, dont la vie est la charité, et dont la forme est celle de la foi, forme dont la beauté est selon sa qualité ; mais sa foi n'est plus appelée foi alors, mais elle est appelée intelligence. D'après ces considérations, on peut voir que le tout de la foi provient de la charité, et aussi que c'est la charité qui produit la foi, et qu'elle n'est pas produite par la foi. Les connaissances du vrai qui précèdent peuvent être comparées aux provisions de blé dans une grange, qui ne nourrissent pas l'homme, à moins, qu'ayant faim, il n'aille chercher le blé pour en faire du pain. » - Doctrine de la Foi, nos 25,-31.
 
 

LA CHARITÉ EST L'AME OU L'ESSENCE DE LA FOI

     « Il faut qu'on sache que la charité et la foi font un, comme la volonté et l'entendement, puisque la charité appartient à la volonté et la foi à l'entendement. Il faut qu'on sache également que la charité et la foi font un comme l'affection et la pensée, puisque l'affection appartient à la volonté, et la pensée à l'entendement. De même, la charité et la foi font un comme le bien et le vrai, parce que le bien se rapporte à l'affection, qui appartient à la volonté, et le vrai se rapporte à la pensée qui appartient à l'entendement.

     En bref, la charité et la foi font un, comme l'essence et la forme, puisque l'essence de la foi est la charité, et que la forme de la charité est la foi ; d'où il est évident que la foi sans la charité est comme une forme sans une essence, ce qui n'est pas quelque chose; et que la charité sans la foi est comme une essence sans forme, ce qui de même n'est pas quelque chose.

     Il en est de la charité et de la foi chez l'homme précisément comme du mouvement du coeur, qu'on appelle la systole et la diastole, et du mouvement des poumons, on appelle la respiration. Il y a aussi une correspondance parfaite entre la volonté et l'entendement d'une part, et le coeur et les poumons, d'autre part; c'est pour cette raison, du reste, que par le coeur dans la Parole, il est entendu la volonté et son affection, et par l'âme, ainsi que par l'esprit (ou le souffle) il est entendu l'entendement et sa pensée. D'après ces considérations ou peut voir qu'il ne peut y avoir de foi sans charité, ni de charité sans foi ; et que la foi sans la charité serait comme la respiration des poumons sans un coeur, ce qui est impossible chez toute créature vivante, mais seulement dans un automate ; et que la charité sans la foi serait comme un coeur sans poumons, d'où ne procède nulle vie consciente. Il s'en suit que la charité opère les usages au moyen de la foi, comme le coeur opère ses fonctions dans le corps au moyen des poumons. - Doctrine de la Foi, nos 18, 19.
 
 

COMMENT LA FOI EST FORMEE D'APRES LA CHARITE

     « Il sera maintenant expliqué comment la foi est formée d'après la charité : Tout homme a un esprit naturel et un esprit spirituel ; son esprit naturel est pour le monde, et son esprit spirituel pour le ciel. L'homme quant à son entendement peut être élevé dans la lumière du ciel et voir des vrais spirituels, même s'il est dans le mal ; mais quant à sa volonté, il ne peut être élevé dans la chaleur du ciel, qui est l'amour ou la charité avant qu'il ne fuie les maux et ne les ait en aversion, comme péchés.
Lorsqu'il fait cela, son esprit spirituel est ouvert quant à la volonté aussi. Et quand il a été ouvert il reçoit la chaleur spirituelle du ciel qui influe par son intermédiaire dans l'esprit naturel. Cette chaleur spirituelle, qui, comme il vient d'être dit, est dans son essence la charité, vivifie les connaissances du bien et du vrai qui résident dans l'esprit naturel, et forme au moyen d'elles la foi. Cela peut être comparé à un arbre, qui ne reçoit pas la vie végétative avant que la chaleur influe du soleil et se conjoigne à la lumière, comme cela arrive dans la saison du printemps.
     Il y a aussi un parallélisme parfait entre la vivification d'un homme et la végétation d'un arbre, avec cette seule différence que celle-ci est affectée par la chaleur naturelle de ce monde-ci, tandis que celle-là a lieu par la réception de l'influx de la chaleur spirituelle. C'est aussi pour cette raison que, dans la Parole, l'homme est si souvent comparé à un arbre. - Doctrine de la Foi, n° 32.
 
 

LA QUESTION DE LA PRIORITE DE LA FOI
OU DE LA CHARITÉ

     « De la sagesse des Anciens a découlé ce dogme que l'univers, et toutes et chacune des choses qui le composent, se réfèrent au bien et an vrai, et qu'ainsi toutes les choses de l'Église se réfèrent à l'amour ou à la charité, et à la foi, puisque tout ce qui découle de l'amour ou de la charité est appelé bien, et que tout ce qui découle de la foi est appelé vrai ; or, comme la charité et la foi sont distinctement deux, mais néanmoins font un chez l'homme pour qu'il soit homme de l'Église, c'est-à-dire, pour que l'Église soit dans l'homme, c'est pour cela que chez les Anciens il y avait controverse et discussion sur lequel des deux devait être le premier et ainsi être nommé avec droit le premier-né : quelques-uns disaient que ce devait être le vrai, par conséquent la foi ; et d'autres, que ce devait être le bien, par conséquent la charité ; ils voyaient, en effet, que l'homme, dès sa tendre enfance, apprend à parler, et à penser, et par là à perfectionner, son entendement, ce qui a lieu par les sciences, et ainsi à apprendre et à comprendre ce que c'est que le vrai et qu'ensuite par ces moyens il apprend et comprend ce que c'est que le bien, par conséquent d'abord ce que c'est que la foi, et ensuite ce que c'est que la charité. Ceux qui saisissent ainsi la chose crurent que le vrai de la foi était le premier-né, et que le bien de la charité était né après ; aussi attribuèrent-ils à la foi les prérogatives de la primogéniture ; mais ils étouffèrent leur entendement sous une quantité d'arguments pour la foi, au point qu'ils ne virent pas que la foi n'est pas la foi si elle n'est pas conjointe à la charité, et que la charité aussi n'est pas la charité si elle n'est conjointe à la foi ; et qu'ainsi elles font un.

     Comme il est important que le sujet soit en quelque lumière, je dévoilerai ici comment ou par quelles raisons la charité et la foi font un : la foi, par laquelle est entendu le vrai, est le premier dans le temps ; mais la charité, par laquelle est aussi entendu le bien, est le premier par la fin, ou le but ; or ce qui est le premier par la fin est en actualité le premier, parce que c'est le principal, par conséquent, c'est aussi le premier-né ; et ce qui est le premier dans le temps n'est pas le premier en actualité, mais il l'est en apparence ; pour que cela soit saisi, je vais l'illustrer par des comparaisons faites avec la construction d'un temple, la construction d'une maison et la disposition d'un jardin. Pour un temple, le premier dans le temps, c'est de poser le fondement, d'élever les murs, d'établir le toit, et ensuite de dresser un autel, et de placer une chaire ; mais le premier par la fin, c'est le culte de Dieu dans ce temple, culte pour lequel il a été construit.
     Pour une maison, le premier dans le temps, c'est d'en bâtir les dehors, et d'en arranger les dedans pour tout ce qui est nécessaire ; mais le premier par la fin, c'est une habitation commode pour soi et pour tous ceux qui doivent loger dans cette maison. Pour la disposition d'un jardin, le premier dans le temps, c'est d'aplanir le sol, de préparer l'humus, de planter des arbres, et de semer ce qui doit servir à l'usage ; mais le premier par la fin, c'est l'usage des fruits qu'on en retire. D'après ces correspondances, chacun peut conclure ce qui en soi est le premier. Est-ce que tout homme lorsqu'il veut construire un temple, ou une maison, disposer un jardin et préparer le champ, n'a pas pour première intention l'usage ? Est-ce que cet usage ne tient pas et n'agite pas son mental, pendant qu'il se procure les moyens pour l'obtenir ? Nous concluons donc que le vrai de la foi est le premier dans le temps, mais que le bien de la charité est le premier par la fin, et que ce bien, par cela même qu'il est le principal, devient en actualité dans le mental le premier né. - Vraie Religion Chrétienne, n° 336.
 
 

LA FOI ET LA CHARITÉ
MANIFESTEES DANS LES BONNES OEUVRES

     « Jusqu'à présent personne n'a su que dans les oeuvres il y a toutes les choses de la vie de l'homme ; car elles apparaissent seulement comme des mouvements, qui sont appelés actions, et qui deviennent discours par les mouvements de la bouche, de la langue et du larynx, mais néanmoins ce sont elles qui non seulement manifestent la charité et la foi chez l'homme, mais encore les complètent et les perfectionnent ; et cela, par la raison que ni la foi ni la charité ne sont chez l'homme avant d'exister en actualité, et elles existent en actualité dans les oeuvres.

     Si dans les oeuvres il y a toutes les choses de la foi et de la charité qui sont chez l'homme, c'est parce que les oeuvres sont des activités qui ont leur origine dans sa volonté et dans sa pensée, et que toutes les choses de la volonté et de la pensée se répandent dans les oeuvres, absolumentcomme toutes les choses de la cause dans les effets, et toutes celles de la semence et de l'arbre dans les fruits, car les oeuvres en sont les compléments.

     C'est donc la raison pour laquelle tant de fois dans la Parole les oeuvres sont commandées par le Seigneur, et qu'il est dit que l'homme sera jugé selon ses oeuvres. D'après ces considérations, on voit clairement quel est l'homme qui sépare la foi d'avec les oeuvres, à savoir, qu'il est sans la foi, et que ses oeuvres sont des maux qui jaillissent de l'amour de soi et du monde. C'est pourquoi quand un tel homme est mis dans ses intérieurs, ce qui arrive après la mort, lorsqu'il devient esprit, toutes les choses qui ont appartenu à sa foi sont jetées de côté et sont dissipées. - Apocalypse Expliquée n° 822.
 
 

CONCERNANT LA FOI SEPAREE DE LA CHARITE

     « L'homme n'est dans le Ciel, ni par conséquent auprès du Seigneur avant d'être dans le bien, c'est-à-dire dans l'affection de la charité.

     « Ceux qui placent le salut dans la foi seule, et non en même temps dans la vie de la foi, c'est-à-dire dans la vie de la charité, croient que tout homme peut venir dans le ciel et vers le Seigneur, quelle qu'ait été sa vie ; car ils ne savent pas ce que c'est que la vie de l'homme, et parce qu'ils ne le savent pas, ils s'imaginent que la vie n'est rien ; c'est pourquoi quand on leur demande si le méchant peut être parmi les bons, ils disent qu'il peut y être par la miséricorde de Dieu, parce que c'est là une oeuvre de la Toute-Puissance ; bien plus, quand on leur demande si un diable peut devenir un ange du ciel, ils affirment qu'il le peut pourvu qu'il veuille recevoir la foi, et ils ne doutent pas qu'il ne puisse la recevoir ; mais si on leur dit que le mal ne peut être changé en bien, ni par conséquent l'enfer en ciel chez l'homme, et que cela est impossible, parce que cela est contre l'ordre, par conséquent contre le Vrai Divin, ainsi contre Dieu Lui-Même, qui est l'Ordre, ils répondent que ce sont là des raisonnements sur la salvation dont ils ne s'occupent pas ; par ces exemples et un grand nombre d'autres, on peut voir dans quel aveuglement sur le salut et sur la vie éternelle on est conduit par la doctrine de la foi seule. - Arcanes Célestes n° 8765.
 
 

L'ETAT DE CELUI QUI EST DANS LA FOI SEULE

     « L'homme dont le rationnel est tel, qu'il est seulement dans le vrai de la foi, sans être en même temps dans le bien de la charité, est absolument comme un onagre ; c'est un homme morose, n'endurant rien, opposé à tout le monde, voyant chacun comme étant dans le faux ; il réprimande, châtie et punit constamment ; il est sans pitié, il ne s'applique ni ne s'étudie à concilier les esprits, car il examine tout d'après le vrai et ne considère rien d'après le bien. » - Arcanes Célestes, n° 1949.
 
 

LA FOI VIVANTE

     « Toutes les choses de la foi qui, dans la Parole, sont signifiées par le premier-né des fils, sont les choses qui proviennent du bien de la charité, car la foi existe par ce bien ; en effet, les vérités, qu'elles soient prises de la Parole, ou de la doctrine de l'Église, ne peuvent en aucune manière devenir des vérités de la foi, à moins qu'il n'y ait un bien dans lequel elles soient enracinées. La raison en est que c'est l'entendement qui le premier reçoit les vérités, puisqu'il les voit et les introduit vers la volonté ; et quand elles sont dans la volonté, elles sont alors dans l'homme, car la volonté est l'homme lui-même ; celui, donc, qui s'imagine que la foi est la foi chez l'homme, avant que l'homme veuille se conformer aux vérités, et que d'après cette volonté il s'y conforme, se trompe lourdement. Les vérités de la foi ne vivent pas chez lui auparavant, Tout ce qui appartient à la volonté est appelé bien, parce que cela est aimé ; c'est ainsi que la vérité devient le bien, ou la foi devient la charité dans la volonté. « Il y a deux discussions qui ont infecté l'Église dès les premiers temps ; l'une, si la foi était le premier-né de l'Église, ou si c'était la charité ; l'autre, si la foi séparée de la charité sauve.

     Si ces deux discussions ont existé, ce fut parce que les vérités qui appartiennent à la foi sont aperçues par l'homme, tandis que le bien qui appartiendra à la charité n'est pas perçu avant que l'homme ait été régénéré, car les vérités de la foi entrent par le chemin externe, à savoir par l'ouïe, et se reposent dans la mémoire, et de là se présentent dans l'entendement ; mais c'est par le chemin interne, à savoir, par l'homme interne, que le bien de la charité influe du ciel, c'est-à-dire du Seigneur par le ciel, et pour cette raison il n'est pas perçu avant que les vérités, qui sont appelées vérités de la foi, commencent à être aimées pour un usage bon et pour la vie, ce qui arrive quand elles deviennent des choses de la volonté : c'est donc parce que l'homme commence toujours par apprendre les vérités de la foi qu'on a appelé la foi le premier-né, et qu'on lui a attribué le droit de primogéniture, c'est-à-dire, le droit de priorité et de supériorité sur le bien de la charité, et cependant le bien de la charité est en réalité antérieur et supérieur et la vérité de la foi l'est seulement en apparence.

     « Si l'homme de l'Église a été dans l'obscurité sur ce sujet, c'est parce qu'il ne s'était pas rendu compte qu'il y a deux facultés chez l'homme, à savoir l'entendement et la volonté ; que le vrai se rapporte à l'entendement, et le bien à la volonté, et que s'ils ne se rapportent pas à l'un et à l'autre, ils ne sont pas appropriés à l'homme. Comme ces choses étaient dans l'obscurité et que cependant c'est sur elles que sont fondées les idées de la pensée de l'homme, voilà pourquoi l'erreur n'a pu être manifestée devant l'homme naturel, tandis que cependant si elle eût été une fois manifestée, l'homme de l'Église aurait vu clairement, d'après la Parole que le Seigneur Lui-Même a prononcée, d'innombrables choses concernant le bien de la charité ; entre autres, que ce bien est la chose principale de l'Église, et que la foi n'est pas ailleurs que dans ce bien. Le bien de la charité consiste à faire le bien d'après la volonté du bien. Il aurait vu aussi les erreurs qu'introduit la doctrine de la foi séparée d'avec la charité ; par exemple, que l'homme peut vouloir le mal et cependant croire la vérité, ce qui équivaut à dire que la vérité concorde avec le mal ; puis aussi que la foi peut faire la vie du ciel chez l'homme dont la vie est infernale ; et qu'ainsi ceux qui sont dans l'enfer peuvent être élevés dans le ciel, et vivre parmi les anges une vie diamétralement opposée à leur vie intérieure ! Ceux qui pensent ainsi ne considèrent pas que vivre une vie contraire à celle dont on s'était imbu dans le monde, c'est être privé de la vie ; et que ceux qui essaient de vivre ainsi sont comme ceux qui sont à l'agonie. De telles erreurs, et un très grand nombre d'autres, sont introduites par la doctrine de la foi séparée d'avec la charité. - Arcanes Célestes, n° 9224.

     « Toute vérité de la foi est semée dans l'homme interne, et est enracinée dans l'homme externe ; c'est pourquoi, à moins que la vérité ne soit enracinée dans l'homme externe, ce qui s'opère quand l'homme agit selon cette vérité, elle est comme un arbre qui n'aurait pas été planté dans l'humus, mais placé dessus, de sorte qu'il se dessèche aussitôt que la chaleur du soleil se fait sentir ; l'homme qui a pratiqué les vérités porte cette racine avec lui après la mort, mais non l'homme qui par la foi seule les a connues et reconnues. » - Apocalypse Révélée, n° 17.

     « Les vérités de la foi n'ont jamais aucune vie, à moins, que l'homme ne vive dans la charité ; toutes les vérités de la foi découlent de la charité et sont dans la charité ; et quand elles sont dans la charité, elles ont la vie ; la vie est dans la charité ; jamais elle n'est dans les vérités sans la charité.» - Arcanes Célestes, n° 1928.

     Quelqu'un dira : Tu as la foi, et moi j'ai les oeuvres montre-moi donc ta foi sans tes oeuvres, et moi je te montrerai ma foi par mes oeuvres. Tu crois qu'il y a un seul Dieu ; tu fais bien : les démons aussi le croient, et ils tremblent. Mais, ô homme vain ! Veux-tu savoir que la foi qui est sans les oeuvres est morte ? Comme un corps sans âme est mort, de même la foi sans les oeuvres est morte. - Jacques, II, 18-20, 26.
 
 

LA FOI SALVIFIQUE

     « La foi salvifique est la foi en le Seigneur Dieu Sauveur Jésus-Christ.

     Si la foi salvifique est la foi en le Seigneur Dieu Sauveur, c'est parce qu'Il est Dieu et Homme, étant Lui-Même dans le Père et le Père en Lui, et qu'ainsi ils sont Un ; ceux donc, qui s'adressent à Lui s'adressent aussi en même temps au Père, et ainsi à un seul et unique Dieu, et il n'y a pas de foi salvifique en un autre. 
« Qu'il faille croire en Jésus-Christ le Fils de Dieu, Rédempteur et Sauveur, conçu de Jéhovah et né de la vierge Marie, on le voit d'après les commandements si souvent réitérés par Lui. Même, et plus tard par les apôtres. On voit clairement d'après les passages suivants que la foi en le Seigneur a été commandée par Lui : 

     Jésus dit : C'est la volonté du Père qui m'a envoyé, que quiconque voit le Fils, et croit en Lui, ait la vie éternelle, et que je le ressuscite au dernier jour. - Jean, VI, 40.
Celui qui croit en le Fils a la vie éternelle, mais celui qui ne croit point en le Fils ne verra point la vie, mais la colère de Dieu demeure sur lui. - Jean, III, 36.
Afin que quiconque croit en le Fils ne périsse point, mais qu'il ait la vie éternelle ; car Dieu a tellement aimé le monde, qu'Il a donné Son Fils Unique-Engendré, afin que quiconque croit en Lui ne périsse point, mais qu'il ait, la vie éternelle. - Jean, III, 15, 16.

    « La foi des apôtres n'a point été autre que la foi en le Seigneur Jésus-Christ ; on le voit dans leurs épîtres par plusieurs passages dont je ne rapporterai que les suivants :

     Je vis, non plus moi, mais le Christ vit en moi, et quant à ce que je vis maintenant dans la chair, je vis en la foi en le Fils de Dieu. - Gal., II, 28.
Paul prêcha aux Juifs et aux Grecs la repentance envers Dieu, et la foi en notre Seigneur Jésus-Christ. - Actes, XX, 21.
Crois en le Seigneur Jésus-Christ, et tu seras sauvé, toi et ta maison. - Actes, XVI, 30, 31.
- Vraie Religion Chrétienne, nos 337, 338.
 
 

FAIRE LE BIEN

     « Si, jusqu'à ce jour, il est à peine quelqu'un qui sache si le bien qu'il fait vient de lui-même ou de Dieu, c'est parce que l'Église a séparé la foi d'avec la charité et que le bien appartient à la charité. L'homme donne aux pauvres, secourt les indigents, dote des temples et des hôpitaux, sert l'Église, la Patrie et son concitoyen ; il fréquente assidûment le temple, et alors il écoute et prie avec dévotion ; il lit la Parole et les livres de piété, il pense au salut, mais il ne sait pas s'il fait ses choses d'après lui-même ou d'après Dieu ; il peut les faire d'après Dieu, il peut les faire d'après lui-même ; s'il les fait d'après Dieu, elles sont des biens ; si c'est d'après lui-même, elles ne sont pas des biens. De plus il y a de semblables biens d'après soi-même qui en réalité sont des maux, comme sont les biens hypocrites qui sont des déceptions et des fraudes.

     Les biens d'après Dieu et d'après soi-même peuvent être comparés à l'or : l'or qui dans son intime est or, et qui est appelé or fin, est le bon or ; l'or allié à l'argent est aussi de l'or, mais sa qualité dépend de son titre ; l'or allié au cuivre est moins bon. Mais l'or artificiel, qui imité l'or par la couleur, n'est pas bon car la substance de l'or n'est pas en lui. Il y a aussi la dorure comme l'argent doré, le cuivre, le fer, l'étain, le plomb doré, puis le bois doré et la pierre dorée, matières qui, par leur extérieur peuvent même paraître comme de l'or ; mais comme elles ne sont pas de l'or, elles sont estimées, ou d'après l'art, ou selon le prix de la chose dorée ou selon le prix de l'or qu'on peut tirer de la dorure. Ces choses diffèrent en qualité, de l'or même, comme les vêtements diffèrent de l'homme., On peut même, couvrir d'or du bois pourri, des scories et jusqu'à du fumier ; c'est cet or qui peut être comparé au bien pharisaïque.

     L'homme par la science peut savoir si l'or est pur dans sa substance, s'il a de l'alliage, s'il est falsifié, et s'il n'est qu'en dorure ; mais par la science, il ne sait pas si le bien qu'il fait est un bien en soi ; il sait seulement que le bien qui vient de Dieu est un bien et que le bien qui vient de l'homme n'est pas un bien ; c'est pourquoi, comme il est important pour le salut de savoir si le bien qu'on fait vient de Dieu, ou s'il ne vient pas de Dieu. Cela doit être révélé ; mais avant que cela. soit révélé, il sera dit quelque chose des biens.

     Il y a le bien civil, le bien moral et le bien spirituel. Le bien civil est celui que l'homme fait d'après la loi civile ; par ce bien, il est homme. Le bien spirituel est celui que l'homme fait d'après la loi spirituelle ; par ce bien, l'homme est citoyen dans le monde spirituel. Ces biens se suivent dans cet ordre : le bien spirituel est le suprême, le bien moral est le moyen, et le bien civil est le dernier. L'homme qui a le bien spirituel est homme moral et aussi homme civil mais l'homme qui n'a pas le bien spirituel, apparaît comme s'il était homme moral et civil, mais néanmoins il ne l'est pas. Si l'homme qui a le bien spirituel est homme moral et civil, c'est parce que le bien spirituel a en soi l'essence du bien, et que de lui procèdent le bien moral et le bien civil ; l'essence du bien ne peut venir que de Celui qui est le Bien Même. Donne à ta pensée le plus vaste champ, médite de toutes tes forces, et recherche d'où le bien est bien, et tu verras que c'est par son Être, et que ce qui est en soi l'Être du bien, cela est le bien ; par conséquent ce qui vient du Bien Même, ainsi de Dieu, cela est le bien ; d'où il s'ensuit que le bien qui ne procède pas de Dieu mais qui vient de l'homme, n'est pas réellement le bien.

     Il faut qu'on sache que le Suprême, le moyen et le dernier font un, comme la fin, la cause et l'effet. De là, il sera évident que chez l'homme qui a le bien spirituel, le moral chez lui est le spirituel moyen, et le civil, le spirituel dernier. C'est pourquoi il a été dit que l'homme, qui a le bien spirituel, est homme moral et civil ; mais que l'homme qui n'a pas le bien spirituel, n'est ni homme moral, ni homme civil, mais que seulement il apparaît comme s'il l'était. Il apparaît ainsi à lui-même et aussi aux autres.

     Si l'homme, qui n'est point spirituel, peut néanmoins penser rationnellement et par suite parler comme l'homme spirituel, c'est parce que l'entendement de l'homme peut être élevé dans la lumière du ciel, qui est la vérité, et voir par cette lumière ; mais la volonté de l'homme ne peut pas être élevée de même dans la chaleur du ciel, qui est l'amour, ni agir d'après cette chaleur. Il s'ensuit que la vérité et l'amour ne font point un chez l'homme, à moins qu'il ne soit spirituel ; de là vient aussi que l'homme peut parler ; c'est même ce qui fait la différence entre l'homme et la bête. Du fait que l'entendement peut être élevé dans le ciel, lorsque la volonté n'y est pas encore élevée, il résulte que l'homme peut être réformé et devenir spirituel ; mais il n'est réformé et ne devient spirituel que du moment où sa volonté est élevée aussi. C'est en raison de cette prérogative qu'a l'entendement sur la volonté de pouvoir s'élever dans la lumière du ciel que tout homme, même le méchant, peut, comme l'homme spirituel, penser rationnellement et par suite parler rationnellement ; mais si néanmoins il n'est pas rationnel, c'est parce que l'entendement ne dirige pas la volonté, mais c'est la volonté qui dirige l'entendement. L'entendement ne fait qu'enseigner et montrer le chemin ; et tant que la volonté n'est pas en même temps que l'entendement dans le ciel, l'homme n'est point spirituel, ni par conséquent rationnel ; car lorsqu'il est abandonné à sa volonté ou à son amour, il rejette de son entendement les choses rationnelles qu'il a apprises au sujet de Dieu, du ciel et de la Vie éternelle, et à leur place il admet des choses qui concordent avec l'amour de la volonté, et il les appelle rationnelles.

     Le Seigneur enseigne dans Jean que personne ne peut par soi-même faire quelque bien qui soit réellement le bien.

     Un homme ne peut rien recevoir, à moins qu'il ne lui ait été donné du Ciel. III, 27.

     Et dans le même :

     Celui qui demeure en Moi, et Moi en lui, celui-là porte beaucoup de fruit ; car sans Moi vous ne pouvez rien faire. -XV, 5.
À tous ceux qui L'ont reçu, il leur a donné le droit d'être faits enfants de Dieu ; savoir, à ceux qui croient en son nom, qui ne sont point liés du sang, ni de la volonté de la chair, ni de la Volonté de l'homme, mais qui sont nés de Dieu. -I, 12, 13.

     « Croire au Nom du Fils de Dieu, c'est croire à la Parole et vivre selon Elle ; « la volonté de la chair » est le propre de la volonté de l'homme, qui en soi est le mal, et « la Volonté de l'homme » est le propre de son entendement qui en soi est le faux d'après le mal ; ceux donc qui sont « nés de la volonté de la chair et de la volonté de l'homme » sont ceux qui veulent et font, pensent et parlent d'après le propre. Les « nés de Dieu » sont ceux qui veulent et font, pensent et parlent d'après le Seigneur. En somme, ce qui vient de l'homme n'est pas le bien, mais ce qui vient du Seigneur est le bien. - Doctrine de Vie, 9-17.
 
 

LA RELIGION ET LA VIE

     Toute religion appartient à la Vie, et la vie de la religion consiste à faire le bien.

     « Tout homme qui a de la religion sait et reconnaît que Celui qui vit bien est sauvé, et que celui qui vit mal est condamné ; en effet, il sait et il reconnaît que celui qui vit bien pense bien, non seulement au sujet de Dieu, mais aussi au sujet du prochain, mais non celui qui vit mal. La vie de l'homme est son amour, et ce que l'homme aime, non seulement il le fait avec plaisir, mais même y pense avec plaisir. Si donc il est dit que la vie de la religion est de faire le bien, c'est parce que faire le bien fait un avec penser le bien ; si ces deux choses ne font pas un chez l'homme, elles n'appartiennent point à sa vie.

     Tout homme qui lit la Parole voit que la religion appartient à la vie ; et que la vie, c'est de faire le bien. Dans la Parole sont ces passages :

     Quiconque aura violé l'un de ces plus petits commandements, et aura ainsi enseigné les hommes, sera appelé le plus petit dans le Royaume des cieux ; mais celui qui les aura observés et enseignés, celui-là sera appelé grand dans le Royaume des Cieux. Car Je vous dis que, si votre justice ne surpasse celle des serbes et des pharisiens, vous n'entrerez point dans le Royaume des Cieux. - Matt., V, 19, 20.

     Non pas quiconque Me dit, Seigneur ! Seigneur ! entrera dans le Royaume des Cieux, mais celui qui fait la volonté de Mon Père qui est dans les Cieux. - Matt., VII, 21.

     Jésus dit : Pourquoi m'appelez-vous Seigneur, Seigneur, et ne faites-vous point ce que je vous dis ? Quiconque vient à moi et entend mes paroles et les fait, je le comparerai à un homme prudent qui à bâti sa maison sur le roc ; mais quiconque entend mes paroles, et ne les fait point sera comparé à un homme insensé qui a bâti sa maison sur le sable. - Matt., VII, 24, 26.

     Ceux qui auront fait de bonnes oeuvres sortiront, des sépulcres en résurrection de vie, mais ceux qui en auront fait de mauvaises, en résurrection de jugement. - Jean, V, 29.
Vous êtes mes amis si vous faites toutes les choses que je vous commande. Je vous ai choisis, afin que vous portiez du fruit, et que votre fruit demeure. - Jean, XV, 14, 16.

     Voici, je viens bientôt, et j'ai mon salaire avec moi, pour rendre à chacun selon ses oeuvres. - Apoc., XXII, 12.

     Que ce soient les oeuvres qui font l'homme de l'Église et que ce soit par elles qu'il est sauvé, le Seigneur l'enseigne aussi dans les paraboles, dont plusieurs indiquent clairement que ceux qui font de bonnes oeuvres sont acceptés et que ceux qui en font de mauvaises sont rejetés, par exemple la Parabole sur les vignerons. - Matt., XXI 33-44 ; sur le Figuier qui ne donne pas de fruit. - Luc XII 1.6 et suite ; sur les Talents et les Mines à faire valoir, - Matt. XXV. 14-31 ; Luc XIX. 13-25 ; sur le Samaritain qui banda les plaies de l'homme blessé par les voleurs, - Luc, X, 30-37 ; sur le Riche et Lazare, - Luc XVI. 19-31, sur les dix Vierges, - Matt. XXV. 1-12 - Doctrinede Vie, nos 1, 2.
 
 

IL N'Y A POINT DE FOI SANS UNE VIE DE BIEN

     « Un homme peut savoir, penser et comprendre beaucoup de choses, et cependant ne pas être sage ; et comme il appartient à la foi de savoir et de penser, et plus encore de comprendre qu'une chose est de telle Ou telle manière, l'homme peut ainsi croire qu'il a la foi, alors qu'il ne l'a pas ; ce qu'il fait qu'il ne l'a pas, c'est qu'il est dans le mal de la vie, et que le mal de la vie et le vrai de la foi ne peuvent jamais agir ensemble. Le mal de la vie détruit le vrai de la foi, parce que le mal de la vie appartient à la volonté et le vrai de la foi à l'entendement, et que la volonté conduit l'entendement et fait qu'il agit conjointement avec elle ; c'est pourquoi, si dans l'entendement il y a quelque chose qui ne concorde pas avec la volonté, alors quand l'homme est abandonné à lui-même, et qu'il pense d'après son mal et d'après l'amour de ce mal, soit il chasse le vrai qui est dans l'entendement, soit il le falsifie. Il en est autrement chez ceux qui sont dans le bien de la vie : ceux-ci, abandonnés à eux-mêmes, pensent d'après le bien et ils aiment le vrai qui est dans l'entendement, parce qu'il concorde ; ainsi la conjonction de la foi et de la vie se fait comme celle du bien et du vrai, et chacune d'elles est comme la conjonction de l'entendement et de la volonté.

     Il s'ensuit que dans la mesure où l'homme fuit les maux comme péché, il à la foi, parce qu'ainsi il est dans le bien. Cela est aussi confirmé par son contraire, en ce que celui qui ne fuit pas les maux comme péchés n'a pas la foi, parce qu'il est dans le mal, et que le mal déteste intérieurement le vrai ; extérieurement, il peut, en vérité, le traiter en ami, le supporter, et même aimer qu'il soit dans l'entendement ; mais quand l'extérieur est enlevé. - Ce qui arrive après la mort, - il rejette d'abord le vrai qui était son ami dans le monde, puis il nie que cela était le vrai, et enfin le prend en aversion.

     La soi-disante foi de l'homme méchant est une foi intellectuelle, qui n'a rien du bien procédant de la volonté ; ainsi c'est une foi morte, qui est comme la respiration pulmonaire sans son âme provenant du coeur ; l'entendement aussi correspond au poumon et la volonté au coeur. Elle est aussi comme une belle prostituée parée de pourpre et d'or, qui intérieurement est infectée : la prostituée aussi correspond à la falsification du vrai, et par suite, dans la Parole elle signifie cette falsification. Elle est encore comme un arbre fruitier couvert de feuilles, mais qui ne porte point de fruits, et que le jardinier arrache ; l'arbre aussi signifie l'homme, ses feuilles et ses fleurs, les vrais de la foi, et son fruit le bien de l'amour. Mais tout autre est la foi dans un entendement où est le bien d'après la volonté ; cette foi est vivante ; et elle est comme la respiration pulmonaire dont l'âme provient du coeur, ou encore comme une belle épouse que la chasteté rend aimable pour son mari et comme un arbre chargé de fruits.

     Il y a plusieurs choses qui paraissent appartenir seulement à la foi ; par exemple, qu'il y a un Dieu, que le Seigneur, qui est ce Dieu, est le Rédempteur et le Sauveur, qu'il y a un Ciel et lui Enfer ; qu'il y a une vie après la mort, et beaucoup d'autres choses, dont il n'est pas dit qu'il faut les faire, mais qu'il faut les croire. Ces choses de la foi sont mortes aussi chez l'homme qui est dans le mal, mais vivantes chez celui qui est dans le bien. S'il en est ainsi, c'est parce que l'homme qui est dans le bien, non seulement agit bien d'après la volonté, mais même pense bien d'après l'entendement quand il est seul. Or la pensée de l'entendement tire son exister de l'amour de la volonté qui est l'être même de la pensée dans l'entendement. Qu'on ajoute à cela que, quand l'homme fuit le mal comme péché, il est dans le Seigneur, et que le Seigneur opère toutes choses en lui : c'est pourquoi le Seigneur dit à ceux qui lui demandaient ce qu'ils devaient faire pour faire les oeuvres de. Dieu :

     Ceci est l'oeuvre de Dieu, que vous croyiez en Celui qu'Il a envoyé. - Jean VI, 28, 20.

     Croire en le Seigneur, ce n'est pas penser seulement qu'il est le Seigneur, c'est aussi garder les commandements, comme il enseigne ailleurs. - Doctrine de la Foi, nos44-48.
 
 

LA NECESSITE DE FUIR LES MAUX COMME PECHES

     « Qui ne sait et ne peut savoir que les maux empêchent que le Seigneur ne puisse entrer chez l'homme En effet, le mal est l'enfer et le Seigneur est le Ciel ; or, l'enfer et le ciel sont opposés ; autant donc l'homme est dans l'un, autant il ne peut être dans l'autre ; car l'un agit contre l'autre et le détruit. Tant que l'homme est dans le monde, il est dans un milieu entre le ciel et l'enfer ; au-dessous est l'enfer et au-dessus le ciel, et alors il est tenu dans la liberté de se tourner ou vers l'enfer ou vers le ciel. S'il se tourne vers l'enfer, il se détourne du ciel ; mais s'il se tourne vers le ciel, il se détourne de l'enfer. Ou, ce qui est la même chose, tant que l'homme est dans le monde, il est dans un milieu entre le Seigneur et le diable, et il est tenu dans la liberté de se tourner ou vers l'un ou vers l'autre ; s'il se tourne vers le diable, il se détourne du Seigneur, mais s'il se tourne vers le Seigneur, il se détourne du diable. Ou, ce qui est encore la même chose, tant que l'homme est dans le monde, il est dans un milieu entre le mal et le bien, et il est tenu dans la liberté de se tourner vers l'un ou vers l'autre ; s'il se tourne vers le mal, il se détourne du bien ; mais s'il se tourne vers le bien, il se détourne du mal.

     Il est dit que l'homme est tenu dans la liberté de se tourner d'un côté ou d'un autre ; chaque homme a cette liberté, non d'après lui-même, mais d'après le Seigneur ; c'est pourquoi il est dit qu'il y est tenu.

     Il résulte évidemment de là que, autant l'homme fuit les maux, autant il est chez le Seigneur et dans le Seigneur ; et que, autant il est dans le Seigneur, autant il fait les biens, non d'après lui-même mais d'après le Seigneur. De là cette loi commune : AUTANT QUELQU'UN FUIT LES MAUX, AUTANT IL FAIT LES BIENS. Mais deux choses sont requises : La première, que l'homme doit fuir les maux, parce qu'ils sont des péchés, c'est-à-dire, parce qu'ils sont infernaux et diaboliques, ainsi contre le Seigneur et contre les lois divines ; la seconde que l'homme doit, comme de lui-même, fuir les maux parce qu'ils sont des péchés, mais savoir et croire que c'est par le Seigneur.
     Il s'ensuit que I : Si l'homme veut et fait le bien, avant de fuir les maux comme péchés, les biens qu'il fait ne sont pas des biens. II : Si l'homme pense et parle avec piété et ne fuit pas les maux comme péchés, sa piété n'est pas de la piété. III : Si l'homme a beaucoup de connaissances et de sagesse, et ne fuit pas les maux comme péchés, il n'est pas réellement sage, car ce sont là des connaissances sans vie, parce qu'elles appartiennent seulement à son entendement et non en même temps à sa volonté, et de telles connaissances périssent avec le temps, parce qu'elles ne concordent pas avec l'amour de sa volonté.

     Toutes les choses qui ont été dites ci-dessus, la Parole les enseigne dans un grand nombre de passages dont voici quelques-uns :

     Nul ne peut servir deux Seigneurs : car, ou il haïra l'un et il aimera l'autre, ou il s'attachera à l'un et il méprisera l'autre ; vous ne pouvez servir Dieu et Mammon. - Matt., VI, 24. 

     Comment pouvez-vous prononcer de bonnes choses, puisque vous êtes méchants ? De l'abondance du coeur la bouche parle ; l'homme bon du bon trésor de son coeur tire de bonnes choses ; et l'homme méchant d'un trésor mauvais, tire des choses mauvaises. - Matt., XII, 14, 35.

     Il n'y a point d'arbre bon qui fasse du fruit pourri, ni d'arbre pourri qui fasse du bon fruit ; chaque arbre est connu par son propre fruit ; car sur des épines on ne cueille pas des figues, et on ne cueille pas du raisin sur un buisson. - Luc., VI, 431 44.

     « Un homme méchant peut fuir les maux comme choses nuisibles, mais il n'y a qu'un Chrétien qui puisse les fuir comme péchés. » Doctrine de Vie, nos. III. 18-24.

     J'ai mis devant toi la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction. Choisis donc la vie, afin que tu vives, toi et ta postérité, en aimant le Seigneur ton Dieu, en obéissant à Sa voix, et en demeurant attaché à Lui ; car Lui qui est ta vie et est la longueur de tes jours. - Deut., XXX, 19, 20.
Cessez de mal faire ; apprenez à bien faire : recherchez la droiture - Esaïe, I, 16, 17
 
 

COMMENT VAINCRE LES MAUX

     « Personne ne peut fuir les maux comme péchés jusqu'au point de les avoir en aversion, si ce n'est par des combats contre eux.

     « D'après la Parole, chacun sait que le propre de l'homme par hérédité est le mal, et c'est de là que, par une convoitise innée, il est porté vers les maux ; et s'il ne pense pas que ce sont des péchés, et que par ce motif, il n'y résiste pas, il les commet toutes les fois que l'occasion s'en présente, et que sa réputation n'en souffre pas.

     Comme ce propre de l'homme fait la première racine de vie, on voit quel arbre serait l'homme, si cette racine n'était extirpée, et si une nouvelle racine n'était implantée ; ce serait cet arbre pourri qui doit être coupé et jeté au feu selon ce qui est dans Matthieu - III. 10 ; VII. 19. Or cette racine n'est point ôtée et une nouvelle n'est point mise à sa place, si l'homme ne considère pas les maux qui forment cette racine comme étant nuisibles pour son âme, et qu'il ne veuille pour cette raison s'en détourner. Mais comme ces maux appartiennent à son propre et font par conséquent ses délices, il ne peut s'en détourner qu'en luttant contre eux, ainsi par des combats contre eux.

     « Tout homme qui croit qu'il y a un enfer et ub ciel, et qui croit que dans l'enfer viennent ceux qui font les maux, et dans le ciel ceux qui font les biens, celui-là combat ; et celui qui combat agit d'après l'intérieur et contre la convoitise même qui constitue la racine du mal ; car celui qui combat contre quelque chose ne veut pas ce quelque chose, et convoiter, c'est vouloir. De là il est évident que la racine du mal n'est éloignée que par le combat.

     Autant donc quelqu'un combat et ainsi éloigne le mal, autant le bien prend la place du mal, et autant d'après le bien, il voit le mal en face, et voit alors qu'il est infernal et horrible ; et parce qu'il est tel, non seulement il le fuit, mais même l'a en aversion, et enfin il l'a en abomination.

     L'homme qui combat contre les maux ne peut pas ne point combattre comme par Lui-même ; car celui qui ne combat pas comme par soi-même ne combat pas ; il se tient comme un automate, ne voyant rien, ne faisant rien ; et d'après le mal il pense continuellement en faveur du mal, et non contre le mal ; mais il faut néanmoins que l'on sache titre le Seigneur seul combat dans l'homme contre les maux ; qu'il semble seulement à l'homme qu'il combat par lui-même ; et que le Seigneur veut que cela paraisse ainsi à l'homme ; parce que sans cette apparence il n'y a point de combat, et par conséquent point de réformation.

     « Il est de l'Ordre Divin que l'homme agisse d'après le libre selon la raison parce que, agir d'après le libre selon la raison, c'est agir d'après soi-même. Mais ces deux facultés, le libre et la raison, ne sont point les propres facultés de l'homme ; elles appartiennent au Seigneur chez l'homme ; et en tant qu'il est homme, elles ne lui sont point enlevées, puisque, sans elles, il ne peut être réformé ; car, sans elles, il ne peut pas faire acte de repentance, il ne peut pas combattre contre les maux ni faire ensuite des fruits dignes de repentance. Maintenant, comme l'homme a le libre et la raison par le Seigneur, et que l'homme agit d'après le libre et la raison, il s'ensuit qu'il agit, non d'après lui-même mais tout à fait comme de lui-même. » - Doctrine de Vie, n° 92-96, 101.

     Si quelqu'un fuit les maux Par tout autre motif que parce qu'ils sont des péchés, il ne les fuit pas, mais seulement il fait qu'ils ne se montrent pas devant le Monde.

     Celui qui vaincra, héritera toutes choses ; Je serai son Dieu, et il sera mon fils. - Apoc. XXI, 7.

     Le Seigneur votre Dieu est Celui qui marche avec vous, afin de combattre pour vous contre vos ennemis, afin de vous délivrer. - Deut. XX, 4.

     Le Seigneur votre Dieu eu est Celui qui combat pour vous, comme Il l'a dit. - Josué, XXIIII, 10.
 
 

LES LOIS DE LA VIE DE LA RELIGION

     « Quelle est, sur tout ce globe, la nation qui ne sache que c'est un mal de voler, de commettre adultère, de tuer, de porter faux témoignage ? Si les nations l'ignoraient et qu'elles ne cherchassent pas par des lois à prévenir de tels crimes, c'en serait fait d'elles, car sans ces lois, sociétés, républiques, royaumes, tout s'écroulerait. On peut par conséquent être étonné que ces lois universellement connues sur toute la terre, aient été promulguées, avec un appareil si miraculeux, du haut de la montagne de Sinaï, par Dieu Lui-Même. Mais écoute : les lois ont été promulguées, au milieu de tant de miracles, afin que l'on sût qu'elles étaient non seulement des lois civiles et morales, mais aussi des lois spirituelles, et que les transgresser, c'était non seulement agir mal envers le concitoyen et la société, mais encore pécher contre Dieu. C'est pourquoi ces lois, par la promulgation qu'en fit le Seigneur du haut de la montagne de Sinaï, ont été faites lois de religion ; car il est évident que tout ce que le Seigneur Dieu commande, Il le commande pour que ce soit chose de religion, et pour que ce soit fait en vue de Lui-Même, et pour le salut de l'homme.

     Comme ces lois furent les premières de la Parole, et par suite les premières de l'Église qui allait être instaurée par le Seigneur chez la nation israélite ; et comme elles étaient, dans un court sommaire, le complexe de toutes les choses de la religion, par lesquelles il y a conjonction du Seigneur avec l'homme et de l'homme avec le Seigneur, c'est pour cela qu'elles ont été si saintes que rien n'a été plus saint.

     S'il y avait tant de puissance et tant de sainteté dans cette loi, c'est aussi parce qu'elle était le complexe de toutes les choses de la religion ; car elle consistait en deux tables dont l'une contient les choses qui ont égard à Dieu, et l'autre toutes celles qui regardent l'homme. C'est pour cette raison que les préceptes de cette loi sont nommés les Dix Paroles ; ils sont ainsi nommés, parce que « dix » signifient toutes choses.

     Comme il a, par cette Loi, conjonction du Seigneur avec l'homme et de l'homme avec le Seigneur, elle est nommée Alliance et Témoignage : Alliance parce qu'elle conjoint et Témoignage parce qu'elle atteste. C'est pour cela qu'il y avait deux Tables, l'une pour le Seigneur et l'autre pour l'homme ; la conjonction est faite par le Seigneur, mais seulement lorsque l'homme fait ce qui a été écrit dans sa table ; car continuellement le Seigneur est présent et il opère son habitacle chez l'homme ; mais l'homme d'après soit libre qui lui vient du Seigneur, doit ouvrir la porte. En effet, Seigneur dit :

     Voici, je me tiens à la porte, et je heurte ; si quelqu'un entend Ma voix et ouvre la porte, j'entrerai chez lui, et je souperai avec lui, et lui avec moi. - Apoc. III, 20.

     Si tu veux entrer dans la vie, garde les commandements. - Matt. XIX, 17. De ces deux commandements dépendent toute la loi et les Prophètes. - Matt. XXII, 40.
 
 

LA PORTEE DU DECALOGUE

     « Si le Décalogue, dans le sens spirituel, et dans le sens céleste, contient universellement tous les préceptes de Doctrine et de Vie, ainsi toutes les choses de la foi et de la charité, c'est parce que la parole, dans le sens de la lettre, dans toutes et dans chacune de ses parties cache deux sens intérieurs : l'un qui est appelé spirituel, l'autre qui est appelé céleste, et que dans ces sens il y a la Divine Vérité dans sa lumière, et la Divine Bonté dans sa chaleur. Personne, à moins de savoir quelle est la Parole, ne peut concevoir par aucune idée que dans chacune de ces parties il y a l'infinité, c'est-à-dire qu'elle contient des choses innombrables que les anges eux-mêmes ne peuvent jamais épuiser ; chaque mot y peut être comparé à une semence qui, au moyen de l'homme, peut devenir un grand arbre, et produire en abondance des semences, d'où proviennent de nouveau des arbres semblables, qui ensemble font un jardin, et d'après les semences de celui-ci fait de nouveaux jardins et ainsi à l'infini. Telle est la Parole du Seigneur dans chacune de ces parties, et tel est principalement le Décalogue, car du fait qu'il enseigne l'amour envers Dieu, et l'amour à l'égard du prochain, il est le bref complexe de toute la Parole. C'est ce que le Seigneur enseigne aussi par cette similitude :

     Le Royaume des Cieux est semblable à un grain de moutarde qu'unhomme avant reçu sema dans son champ ; il est plus petit que toutes le, semences, mais quand il a crû, il est plus grand queles légumes, et il devient arbre, tellement que les oiseaux du ciel viennent et ilsfont leurs nids dans ses branches. - Matt. XIII, 31, 12 ; Marc IV, 31, 32, Luc XIII, 1 8, 1 19.

     « Qu'il y ait une telle infinité de semences spirituelles ou de vérités Divines dans la Parole, on peut le voir d'après la sagesse angélique, qui procède toute de la Parole ; elle augmente éternellement chez les anges, et plus ceux-ci sont sages, plus ils voient clairement que la Sagesse est sans fin ; et ils perçoivent qu'ils ne sont eux-mêmes qu'à l'entrée, et qu'ils ne peuvent quant à la plus petite chose atteindre la Sagesse Divine du Seigneur, qu'ils nomment ment un Abîme. Maintenant, comme la Parole émane de cet Abîme puisqu'elle vient du Seigneur, il est évident que dans toutes ses parties, il y a une sorte d'infinité.

     « Les lois de la vie spirituelle, les lois de la vie civile et les lois de la vie morale sont enseignées aussi dans les dix préceptes du Décalogue : dans les trois premiers préceptes, les lois de la vie spirituelle ; dans les quatre suivants, les lois de la vie civile, et dans les trois derniers, les lois de la vie morale » (1). - Ciel et Enfer, n° 531.
 
 

L'UNITÉ DE LA VIE SPIRITUELLE

     « L'amour, la vie et les oeuvres chez chaque homme font un, au point que, soit qu'on dise l'amour ou la vie ou les oeuvres, c'est la même chose ; l'amour, en effet, constitue la vie de l'homme, et sa vie est telle qu'est son amour, non seulement la vie du mental, mais aussi en même temps la vie du corps ; et comme ce que l'homme aime, il le veut aussi par le mental et le fait par le corps, il s'ensuit que l'amour et les oeuvres font un. On peut montrer par plusieurs considérations que les oeuvres procèdent de la vie tant interne qu'externe de l'homme, qu'elles sont les activités de la sphère d'affections et de pensées qui l'environne, et que la communication de la vie et de l'amour de l'homme n'est pas possible à moins que la sphère ambiante, qui appartient à la vie, ne devienne action par l'acte ; c'est pourquoi, telle est la vie, ou tel est l'amour, ou telles sont les oeuvres chez l'homme, telles sont toutes les choses par lesquelles existe cette sphère, par conséquent telle aussi est sa foi ; si donc les oeuvres sont mauvaises, il s'ensuit qu'il n'y a aucune foi du vrai, mais il y a la foi du faux, car le mal et le faux sont cohérents, mais non le mal et le vrai ; si au contraire, les oeuvres sont bonnes, il s'ensuit qu'il y a la foi du vrai, car le bien et le vrai s'aiment mutuellement et se conjoignent ; mais si les oeuvres de l'homme apparaissent bonnes dans la forme externe, et que cependant l'homme soit intérieurement méchant, il s'ensuit qu'il a la foi du faux, quoique de bouche il puisse prononcer le vrai ; mais le vrai qu'il prononce a été souillé par le mal de l'intérieur ; ses oeuvres par suite sont selon la description qu'il en donne le Seigneur : 

     Comme le dehors nettoyé de la coupe et du plat, dont le dedans est plein de rapine et d'intempérance, et comme des sépulcres blanchis, qui en dehors paraissent beaux, mais en dedans sont pleins d'ossements des morts et de toute sorte de pourriture. - Matt. XXIII, 25, 27. - Apocalypse Expliquée, n° 842.
 
 

L'AMOUR DOMINANT

     « Le Seigneur ne considère chez l'homme rien d'autre que la fin qu'il a en vue. « Quelles que soient ses pensées et ses actions, qui varient de mille manières différentes, pourvu que la fin soit bonne, elles sont toutes bonnes ; mais si la fin est mauvaise, elles sont toutes mauvaises ; la fin est ce qui règne dans chacune des choses que l'homme pense et fait. Comme les anges qui sont chez l'homme appartiennent au Seigneur, ils ne gouvernent chez l'homme que ses fins ; lorsqu'ils les gouvernent, ils gouvernent aussi ses pensées et ses actions, car elles appartiennent toutes à la fin. Chez l'homme la fin est sa vie elle-même ; toutes les choses qu'il pense et qu'il fait vivent par la fin, parce que, comme il vient d'être dit, elles appartiennent à la fin ; c'est pourquoi telle est la fin, telle est la vie de l'homme. La fin n'est autre chose que l'amour, car l'homme ne peut avoir pour fin autre chose que ce qu'il aime. Celui qui pense autrement qu'il n'agit a néanmoins pour fin ce qu'il aime ; dans la dissimulation même ou dans la fourberie, il y a une fin, qui est l'amour de soi-même ou l'amour du monde, et par conséquent le plaisir de la vie de celui qui est dans ces amours. Chacun peut conclure de là que la vie de l'homme est telle qu'est son amour. - Arcanes Célestes, n° 1317.

     L'homme de bien tire de bonnes choses du bon trésor de son coeur, mais le méchant tire de mauvaises choses du mauvais trésor de son coeur. - Matt., XII, 35.
 
 

PAR QUOI LA VIE EST DETERMINEE

     « Il y a plusieurs affections de l'homme naturel, mais au-dessus de toutes excelle l'affection des connaissances et des sciences, lorsqu'elle a pour fin que l'homme devienne véritablement rationnel, car elle a ainsi pour fin le bien et le vrai. La vie même de l'homme interne influe dans toutes les affections de l'homme naturel, mais elle y est variée selon les fins ; quand elle influe dans les affections qui ont pour fin le monde, cette fin est vivifiée par cette vie, et elle devient une vie mondaine ; quand elle influe dans les affections qui ont soi-même pour fin, cette fin est vivifiée par cette vie ; et elle devient une vie corporelle. Il en est ainsi pour toutes les autres affections ; de là vient que les cupidités et les fantaisies vivent, mais d'une vie le contraire à l'affection du bien et du vrai. La vie qui influe n'est point appliquée à un objet autre que la fin poursuivie, parce que la fin pour chacun est soit amour, et que c'est uniquement l'amour qui vit. Chacun peut voir quelle est sa vie, pourvu qu'il examine quelle est sa fin ; non pas quelles sont ses fins car elles sont innombrables ; il y en a autant que d'intentions, et presqu'autant que de jugements et de conclusions de pensées ; ce sont là des fins intermédiaires qui dérivent avec variété de la fin principale, ou qui y tendent ; mais qu'il examine la fin qu'il préfère à toutes les autres et par rapport à laquelle toutes les autres sont considérées comme rien s'il a pour fin soi-même et le monde, qu'il sache que sa vie est infernale ; mais s'il a pour fin le bien du prochain, le bien commun, le Règne du Seigneur et surtout le Seigneur Lui-Même, qu'il sache que sa vie est céleste ». - Arcanes Célestes, n° 1909.

     Cherchez d'abord le Royaume de Dieu et Sa justice et toutes ces choses vous seront données, par surcroît. - Matt. VI, 33.


(1) Il faut remarquer que la division des Commandements faites par Swedenborg n'est pas celle qui a été généralement adoptée, mais quelle est basée sur celle de la Bible hébraïque, où le deuxième commandement commence par ces paroles : « Tu ne prendras point le nom de Jéhovah ton Dieu en vain », et le dixième par celles-ci : « Tu ne convoiteras point la femme de ton prochain ». Ainsi les trois premiers se terminent par la loi du Sabbat, et les quatre suivants commencent par « Honore ton père et ta mèr ».