Juste pour les mordus !! C'est un texte gnostique qui a été découvert en Haute-Egypte. (Tu peux aussi aller lire l'Evangile de Thomas) La gnose est un mouvement qui a été parallèle au christianisme, s'inspirant de ses thèmes mais sur un fond nettement dualiste et rejetant l'Eglise officielle. Les thèmes gnostiques typiques sont la lutte entre l'âme et le corps, le caractère mauvais du monde créé, l'opposition entre l'Ancien et le Nouveau Testament... Autant de thèmes rejetés par l'Eglise.
Mon travail : Commentaire de texte. Le but est d'en étudier la théologie pour en faire une rapide présentation et pour la rattacher en particulier à un des mouvements gnostiques.
Présentation de la
Prôtennoia trimorphe
(NH XIII, 1)
éditée par Yvonne Janssens, coll. Bib. copte de Nag Hammadi, section «textes» n°4, Université Laval, Québec, 1978.
Introduction
La Prôtennoia Trimorphe (PrôTri) est un texte de la bibliothèque copte découverte à Nag Hammadi en 1945 qui occupe approximativement les pages 35 à 50 du Codex XIII. C’est un écrit barbélo-gnostique qui est apparenté à l’Apocryphon de Jean (conservé dans les Codices II et III). Ce Codex XIII devait contenir à l’origine le triptyque barbélo-gnostique que constituent l’Apocryphon de Jean, la Prôtennoia trimorphe et l’Écrit sans titre [1].
La PrôTri est une auto-révélation de la Prôtennoia, pensée première du Grand Esprit invisible. Elle est l’image du Grand Esprit invisible (38, 11) [2] et sa première créature (35, 4). Le texte est divisé en trois parties distinctes qui comportent chacune un titre, placé en fin de section : la parole de la Prôtennoia (35, 1-42, 3), l’heimarménè (42, 4-46, 4) et la parole de l’épiphanie (46, 5-50, 21). La première partie est une hymne où la Prôtennoia se révèle telle qu’elle est. C’est une partie plus théologique que mythologique. Dans les deuxième et troisième parties, elle révèle quel est le plan de salut pour le monde.
I. Contenu de la révélation
La révélation suit deux lignes distinctes. Soit la Prôtennoia se qualifie elle-même par une série d’attributs, soit elle déploie un triple champ symbolique (d’où sa qualification de trimorphe) où sont regroupés ces attributs selon l’histoire du salut. Cependant, la présentation n’est pas aussi systématique que ce que je présente ici.
La Prôtennoia est la première créature (35, 4), le mouvement de toutes les créatures (35, 14), productrice de tout (36, 7), la source de la gnose (36, 9), Barbélo (38, 8), la pensée du Père (38, 8), l’image du Grand Esprit invisible (38, 11), c’est à son image que Ialdabaoth façonne les hommes (40, 25) et elle est la part spirituelle qui est dans leur âme (41, 20).
La Prôtennoia connaît aussi trois demeures qui sont trois manifestations, trois épiphanies. Selon une pensée analogique, ces trois manifestations de la Prôtennoia sont trois champs symboliques où l’on retrouve divers attributs. Les trois manifestations ne font cependant qu’un dans une égalité. A chaque manifestation correspond en outre un rôle dans l’histoire du salut :
1- Père / Pensée / Perception / Adam / Masculinité.
Rôle : elle anime les créatures de Ialdabaoth.
2- Mère / Voix issue de la pensée / Vie / Eve / Source de la gnose.
Rôle : elle fait connaître à l’homme son essence véritable.
3- Fils / Parole / Logos né de la voix / Monogène / Serviteur / Œil de la lumière / Christ.
Rôle : elle libère définitivement des puissances des ténèbres.
II. Histoire du salut.
- Le fils parfait, le Logos, le Christ, se manifeste à ses éons, émanant de lui (39, 5).
- Il n’est pas adoré par Eleleth et les puissances des puissances (39, 19).
- Le grand démon, Sacla (Samel Ialdabaoth) se manifeste (39, 21) et commence à produire seul des éons (40, 4).
- La Prôtennoia le supplie d’arrêter : «Cessez ! Cessez, vous qui foulez la matière ! Car voici que moi je vais descendre dans le monde des mortels à cause de ma part qui est en ce lieu-là depuis le jour où fut vaincue cette Sagesse irréprochable» (40, 10-15).
- Sa voix déclenche la panique dans le monde de l’heimarménè (destin créé par les archontes pour lier les dieux et les hommes). Hommes et démons vont demander des explications à l’Archigénétor-Ialdabaoth (43, 17).
- Vient ensuite le contenu de la révélation faite aux vivants : «Écoutez la voix de la mère de votre pitié, car c’est vous qui êtes devenus dignes de ce mystère caché, pour que vous soyez parfaits» (44, 29). «Je vous appelle dans la lumière suprême» (45, 12). «Je me suis cachée en chacun» (45, 21). «Vous êtes mes confrères» (46, 33).
- Le récit du salut reprend : «Je les ai instruits» (47, 5). «J’ai porté le vêtement de chacun d’eux» (47, 17). «Je suis descendu dans le monde» (47, 31). «Et parmi les anges, je me suis manifesté dans leur forme, et parmi les puissances, en tant que l’une d’entre elles, et parmi les fils de l’homme, en tant qu’un fils de l’homme, moi qui suis père de chacun je me suis caché en tous ceux-là» (49, 15-21). «J’ai revêtu Jésus, je l’ai enlevé du bois maudit et je l’ai établi dans les demeures de son père» (50, 12-15).
Conclusion
La mythologie sous-jacente n’est pas tout à fait cohérente avec le système mythologique vu en cours (on aurait du mal à situer dans ce système la Prôtennoia et ses trois manifestations). Cependant la PrôTri suppose connu un système mythologique équivalent car elle ne revient pas sur des données acquises (en particulier la chute de la Sagesse, l’origine de Ialdabaoth et la raison de sa rébellion). Le texte est très optimiste : Les créatures vivantes sont le fruit de la rébellion de Ialdabaoth et la Prôtennoia tente de réparer cette erreur en descendant elle-même dans le monde. Le salut n’est pas réservé à une élite mais proposé à tout homme et même aux anges et aux puissances (C’est la Prôtennoia qui les anime tous, et elle se fait «tout en tous» pour aller les sauver. Cf. 49, 15-21).
On ne peut remettre en doute le docétisme évident du Christ Jésus (49, 12; 50, 12) qui vient dans le monde. Le salut consistant précisément en cela : se libérer de l’heimarménè par la gnose (41, 3).
[1] Je reprends ici rapidement les conclusions d’Yvonne Janssens dans son introduction.
[2] Le premier chiffre renvoie à la pagination adoptée par les éditeurs du fac-similé et le second à la ligne.