(Janvier 1955) Jésus-Christ est le révélateur de l'Amour. Le jour où Jésus a proclamé « Dieu est le Père », « Dieu est Amour », c'était la première fois que la terre entendait une pareille affirmation. Et l'humanité des siècles futurs, qui en vit cependant, l'a plus ou moins oubliée.
De toute éternité, Dieu est amour. Avant la création des univers, avant que le monde fût, dans les temps où les hommes Le représentaient sous les traits de Moloch ou de Jupiter, ou bien ne voyaient en Lui qu'une abstraction, dans les siècles où, décimée par les guerres et les famines, l'humanité désespérée ne croyait plus qu'à la fatalité, de tout temps, Dieu est amour.
Avant le Christ, l'humanité ignorait Dieu ; en dehors du Christ, elle L'ignore encore. L'enseignement du Christ, la vie du Christ révèlent au monde le Dieu qui est amour. Le Christ est Lui-même l'Amour. Comme le dit Sédir, le Christ est l'Amour de Dieu corporisé. Dans les autres religions, c'est l'homme qui sacrifie et c'est Dieu qui reçoit le sacrifice. Dans la religion de Jésus, rien ne vient de l'homme, tout vient de Dieu. C'est Dieu qui offre le sacrifice et ce sacrifice, c'est Lui-même. En effet, pour les hommes, Dieu a sacrifié Son Tout. Il S'est fait homme. Et l'Homme qu'Il est devenu S'est offert au Seigneur universel comme victime pour nous. C'est pourquoi l'Homme-Dieu est le lien entre Dieu et les hommes et ce lien s'exprime par cette ineffable parole de la Prière sacerdotale : « Je leur ai donné la gloire que Tu m'as donnée, afin qu'ils soient un comme nous sommes un, moi en eux et Toi en moi, afin qu'ils soient consommés dans l'unité. » Ici, nous sommes transportés en plein ciel : perdre sa vie est un gain, donner c'est recevoir, et, comme les disciples sur la montagne de la Transfiguration, lorsque nous levons les yeux, nous ne voyons plus que Jésus seul. ''
Nous cherchons Dieu ; l'humanité soupire après Dieu ; l'apôtre Philippe, demandait à voir le Père. Et voici la réponse au désir millénaire. Une des paroles les plus extraordinaires qui aient été prononcées sur notre terre est bien cette affirmation de Jésus : « Celui qui ma vu a vu le Père. ». En vérité, la vie du Christ ici-bas a été la vie même de Dieu ; Son activité, l'activité de Dieu ; Son amour, l'amour de Dieu. « Tout ce que le Père a fait, le Fils le fait également..., car, comme le Père a la vie en lui-même, il a donné au Fils d'avoir la vie en lui-même. » En regardant le Christ, l'humanité s'est sentie aimée; elle a connu l'amour de Dieu et elle a voulu y répondre. « Nous aimons Dieu parce qu'il nous a aimés le premier. »
L'amour du Christ ne peut demander que l'Absolu : l'amour qui est sacrifice et qui atteint son apogée dans le don complet de soi-même, l'amour qui déclare : « Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait. » Par le Christ nous connaissons Dieu. Et par le Christ notre vie devient une vie divine. Si nous croyons à la parole du Christ, c'est parce que nous avons connu que « jamais homme n'a parlé comme cet homme » ; si notre conscience s'est éveillée à la lumière de Dieu, c'est parce que le Christ nous a révélé la vie de Dieu ; si nous balbutions « le cantique nouveau », c'est parce que le Christ a ouvert devant nos cúurs les splendeurs de l'Esprit ; si nous avons voulu être Ses disciples, c'est parce qu'll exerce sur nos cúurs et sur nos intelligences un attrait souverain ; si nous croyons à la gloire éternelle du Fils de Dieu, c'est parce que nous avons contemplé la gloire du Fils de l'Homme. Si nos larmes ont été essuyées et si nos désespoirs ont été apaisés, c'est parce que nos cúurs ont entendu Sa parole : « Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés, et je vous soulagerai. » Si nos joies ont été clarifiées et sanctifiées, c'est parce qu'll nous a dit : « Je vous ai donné ma parole afin que ma joie demeure en vous et que votre joie soit dans sa plénitude. » * * * L'amour n'est pas un attribut de Dieu, il est la caractéristique de Dieu. Dieu est Amour et l'Amour est Dieu.
Dieu nous aime et il nous faut non seulement donner á ce mot son sens le plus grand, mais y faire entrer tout l'imaginable et tout l'inimaginable. L'amour de Dieu est au-dessus de notre amour, comme l'Etre divin transcende l'infime créature. Amour mouillé de larmes, amour purifié par le repentir, par l'humilité, par le renoncement au « soi » ennemi de Dieu, amour qui s'élève plus haut que les étoiles, amour qui porte notre pauvre cúur jusqu'à la Demeure éternelle, sa véritable patrie.
L'Absolu est donc amour. Et, pour nous aussi, l'amour est notre absolu. Cet amour redescend sur nous et nous confère son omni-pénétrante splendeur. Il transfigure la vie. Si l'on travaille, c'est par amour; si l'on souffre, c'est par amour; si l'on est joyeux, c'est dans l'amour. L'amour enveloppe tout, reflet de l'éternel dans le transitoire, présence de l'Absolu dans le relatif. Ceci indique du même coup le chemin qui mène l'homme vers Dieu. L'homme essaie de s'élever vers Dieu et aspire à entrer dans Son Royaume. Or, voici la révolution apportée par Jésus dans les rapports de 1'homme avec Dieu : Dieu aime l'homme et l'homme doit aimer Dieu.
L'amour de l'homme pour Dieu n'est que la réponse faite par l'homme à l'amour de Dieu pour lui. L'homme n'aime pas Dieu parce qu'il a trouvé en Lui plus de satisfaction qu'en aucune autre réalité, il aime Dieu parce que l'amour de Dieu l'a soumis et qu'il ne peut pas ne pas L'aimer.
Aimer Dieu Mais qui aime Dieu ? Même en ceux qui font profession d'aimer Dieu, cet amour est-il un incendie qui consume tout l'être ? N'est-il pas plutôt une flamme minuscule et fuligineuse ? Est-il seulement comparable à l'amour dont nous aimons les créatures, les idées ou les choses ?
Dieu est Amour. L'amour seul peut saisir Dieu. ll n'y a aucune méthode pour apprendre à aimer Dieu ; l'amour est le seul chemin qui mène vers Dieu, l'amour est l'unique moyen de faire croître l'amour. Saint Paul le disait : « Tout faire, même les choses les plus ordinaires de la vie, pour l'amour de Dieu » (1). * * * Pour se représenter objectivement Dieu, pour se représenter le Christ, pour aimer Dieu, pour vivre en Dieu, le croyant a l'Evangile. Mais il a aussi h vie, au cours des siècles, des chrétiens inspirés par l'Evangile, il a cette « nuée de témoins » dont parle l'épître aux Hébreux, les expériences unanimes des disciples de tous les temps qui sont la communion des saints. Car c'est l'homme qui doit manifester Dieu.
De même Que toute découverte dans le domaine de la science ou de la pensée fait bénéficier d'un progrès l'humanité entière, de même tout approfondissement de la connaissance de Dieu, en vertu de la solidarité Qui unit tous les êtres, est un enrichissement pour la chrétienté tout entière. Assurément, le relatif n'étreindra jamais l'Absolu, mais la communauté des saints restitue cependant, chaque siècle plus authentique, magnifié de toutes les vertus - rayons de Son immuable Essence - que les créatures auront acclimatées dans le relatif en les réalisant au long des cycles universels, un trait du visage éternel du Christ, image de Dieu. Soyons de ceux qui manifestent au monde le Dieu
qui est Amour ! (1) « L'Evangile est une úuvre d'amour; le christianisme n'est que l'amour réalisé sous sa forme la plus pure; et comme la lumière de ce monde ne peut être connue que par l'úil, l'amour ne peut être compris que par l'amour. » (Alexandre Vinet : Discours sur quelques sujets religieux.) |